Vue d’exposition, salon Maison Contemporain.

Vue d’exposition, Paris.

 

Mon plaisir

« Aime, et fais ce que tu veux »
Saint Augustin

« Western bouillabaisse », « Citron s’imaginant Sisyphe heureux », « Pluie sur océan », « Soleil de Camargue ».

Les titres choisis par Gaëtan Henrioux donnent le la : la création sera désinvolte ou ne sera pas.

L’artiste se distingue en effet d’une peinture orthodoxe et compassée, liée par un medium, un sujet, un format ou un style et identifiée par une facture qui se retrouve de façon redondante dans chaque œuvre.

Avec une verve libre et un brin provocatrice, Gaëtan Henrioux n’écarte aucune aventure picturale.

Se côtoient donc des portraits, des paysages, des abstractions, des natures mortes ou des scènes érotiques dans une grisante pluralité esthétique, le tout généralement traité dans une palette vive et électrique qui réjouit la rétine.

L’atmosphère résultante de ces gammes vives et acides a tout à voir avec le kitsch.

Négation absolue de ce que l’existence humaine a d’inacceptable, le kitsch est défini par Milan Kundera comme un paravent qui vise la séduction : « Au royaume du kitsch, s’exerce la dictature du coeur ». L’artiste ne résiste pas davantage aux sirènes de la passion facile. La force motrice de cette création spontanée est certainement celle de la curiosité, désignée par Michel Foucault comme « une promptitude à trouver étrange et singulier ce qui nous entoure ; un certain acharnement à nous défaire de nos familiarités et à regarder autrement les mêmes choses ; une ardeur à saisir ce qui se passe et ce qui passe ; une désinvolture à l’égard des hiérarchies traditionnelles entre l’important et l’essentiel ».

Le banal, le prosaïque ne fait effectivement pas défaut à la peinture de Gaëtan Henrioux qui veille en même temps à mettre chaque chose en scène sous une lumière plaisante qui attire le regard comme un insecte.

Au demeurant, c’est dans la culture pop que Gaëtan Henrioux puise nombre de ses sujets : paires de Sneakers ou chaussettes Nike sont centrées dans la composition comme des memento mori des temps modernes. Généralement, les objets s’assemblent de manière incongrue - citron, banane, briquet, végétation, corps nus - créant des mondes étranges liés à un humour taquin. Les histoires sont bâties de guingois mais répondent toujours à un agencement structuré de la composition.

Attaché à l’histoire de l’art, l’artiste se réfère également de manière explicite et parodique dans certaines peintures à celles bien connues de Matisse ou David Hockney.

C’est, précisément, une appréhension « excentrique » de la pratique, par opposition à une vision classique « concentrique ». Pas de garde-fou, donc, pour échapper à l’ennui.

La peinture de Gaëtan Henrioux est prolifique et disparate comme la croissance d’une plante qui pousse en folie parce qu’elle ne peut faire autrement.

D’abord appliqué à des compositions figuratives complexes, détaillées et encore dans une forme de narration, l’artiste s’en est progressivement éloigné pour chercher la bizarrerie dans des formes plus concises ou abstraites, souvent dans des petits formats conférant une dimension iconique au sujet peint.

Un simple soleil jaune et empâté sur une petite toile, un all over de bleu largement brossé ou un motif de grillage sur fond orange en sont autant d’exemples.

Conjointement à cette diversité d’effets, c’est l’utilisation de toutes sortes de mediums qui est notable : huile, acrylique, peinture « flashe », spray ou peinture numérique s’alternent et parfois se superposent.

Dès lors, se perçoivent des matières mates, brillantes, dégradées, léchées, digitales, qui ont ceci en commun : elles montrent toujours le geste pictural, la tendresse du faire pour ne pas éloigner le spectateur du tableau.

Elora Weill-Engerer

Critique d’art / Commissariat d’exposition Membre de l’AICA (Association Internationale des Critiques d’Art)

(1). Dans une anecdote célèbre, Debussy, à qui un professeur de conservatoire demande sur quel système d’harmonie il s’appuie dans ses compositions, répond « Mon plaisir »,  Anecdote citée par Charles A. Riley, Color Codes, p.280.

(2). Milan Kundera, L’Insoutenable légèreté de l’être, 1984, ed. Folio, p.357

(3.) Michel Foucault, Le philosophe masqué, février 1980