Pollyanna


“Most of my crimes are of optimism”
Grace Jones, “This Is”

[“Optimisme” - Étymol. et Hist. 1. 1737 «doctrine philosophique qui soutient que tout ce qui existe est le mieux possible» (Mémoires de Trévoux, p.207 [à propos des Essais de Théodicée de Leibniz]) 2. 1788 «disposition à prendre les choses du bon côté» (Collin d'Harleville, L'Optimiste, II, 7 dans Littré). Dérivé savant de l'adj. lat. optimus «le meilleur» (superl. de bonus «bon»); suff. -isme*]

Traditionnellement, l’artiste “enthousiaste” est dans l’Antiquité dépossédé d’une maîtrise totale de son œuvre. Il ne crée pas : on crée à travers lui.

Il n’agit que sous la direction d’une instance divine, de l’inspiration ou de la transe.

Dès lors, l’artiste enthousiaste n’a d’autre alternative que l’optimisme ou le pessimisme.

Mû par une force qui lui échappe et qui adviendra en tous les cas, il lui reste le loisir de se réjouir de son œuvre ou de s’en inquiéter.

La vulgate romantique, précisément, alimente la fiction de l’artiste mélancolique et tourmenté. L’époque contemporaine, quant à elle, prendrait-elle le contre-pied en brossant le portrait d’un artiste allègre et joyeux ?


Les théories managériales post-68 fondent l’épanouissement au travail sur le modèle idéalisé du “bonheur de l’artiste”.

À bas l’image de l’artiste malheureux, c’est désormais le stéréotype de l’artiste gai et optimiste qui sévit.

Encore fantasmée,

cette représentation induit un effacement total des enjeux matériels et pragmatiques de l’artiste. Artiste-élite ou artiste-marginal, que l’on situe soit trop haut, soit trop bas sur l’échelle sociale, il est tour à tour Démocrite ou Héraclite, Polyanna ou Cassandre.


Cependant le stéréotype ne chasse pas le travail : l’enthousiasme est aussi le fruit d’une conquête. Diderot le remarque dans sa Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient, l’enthousiasme, comme le regard, se construit et se cultive au-delà de son apparente spontanéité.

Pour preuve de cette joyeuse besogne, la diversité plastique d’une trentaine d’artistes ; petit plaidoyer contre les passions tristes.


(1). Nouvelle publiée en 1913 par l’écrivaine américaine Eleanor H.Porter, Pollyanna est un classique de la littérature pour enfants. Passée par antonomase dans la langue anglaise, “Pollyanna” désigne une personne excessivement et infailliblement optimiste et enthousiaste. L’écrivain Ray Bradbury se décrivait comme Janus, moitié Polyanna, moitié Cassandre in Weller, Sam (Spring 2010). "Ray Bradbury, The Art of Fiction No. 203". The Paris Review. Interview (192). Retrieved June 7, 2012


Elora Weill-Engerer, commissaire de l'exposition "Pollyanna"