salon de Montrouge 2013
Le collège critique
Présidé par Stéphane Corréard, commissaire artistique du Salon,le collège critique de la 58ème édition du Salon de Montrouge était composé de :
Sandra Adam-Couralet, critique d’art
Damien Airault, commissaire d’expositions, Deuxième Agence, Paris
Augustin Besnier, critique d'art
Elisabeth Couturier, critique d’art
Christophe Donner, écrivain
Julien Fronsacq, critique d’art et commissaire d’exposition, Palais de Tokyo, Paris
Etienne Gatti, critique d’art
Sébastien Gokalp, conservateur, Musée d’art moderne de la Ville de Paris
Laetitia Paviani, critique d’art
Julie Portier, critique d'art
Alexandre Quoi, historien d’art
Nicolas Rosette, Conseiller pour les arts numériques, Théâtre de l’Agora, Evry
Olga Rozenblum, Productrice, Red Shoes, Paris
Eric Suchère, écrivain et enseignant, École Supérieure d'Art et Design de Saint-Étienne
Romain Torri, Directeur de la Galerie Romain Torri, Paris
Mathilde Villeneuve, Directrice des Laboratoires d'Aubervilliers
intentions
La peinture de Gaëtan Henrioux procède d'une confrontation permanente avec son pouvoir mimétique. D'abord animé par la
recherche d'un réalisme pur, dont il admire les maîtres et acquiert rapidement la technique, Gaëtan Henrioux commença par
peindre d'après photographie, tirant profit des effets de cadrage et d'instantané pour dramatiser les sujets et capter le regard.
Une lassitude d'artiste précoce le poussa cependant à brouiller ses miroirs trop polis, à déjouer sa technique trop efficace, en
introduisant des éléments perturbateurs : taches de peinture, figures géométriques, objets insolites et coulures, vinrent parasiter
la mimesis en rappelant le regard à la surface. Cette perturbation ne s'arrêtera plus. Convaincu qu'il manquait «quelque chose »
à ses tableaux, l'artiste ne cessera de rechercher l'étrangeté dans l'image, porté par une volonté d'épuiser, voire de saborder, ce
talent de figuratif qui le scotchait au réel.
Trois voies sont alors empruntées. La première est celle de l'intrusion : ce sont ces bizarreries qui s'immiscent sur la toile, ces carrés
blancs et ronds de couleur, ces hachures ou taches isolées, qui sont à la peinture ce que l'interférence est au son. Dérèglements de la
représentation, ils affectent le réel sans le pousser vers l'abstraction, s'invitent à la condition humaine sans chercher à la sauver. La
deuxième voie est celle de la touche. Brouillage des visages, carnage de peinture ou simplification des détails assassinent l'image en
bataillant contre sa transparence. L'effet en est violent, parfois cru, comme les traces d'une insatisfaction radicale. Le sujet, enfin,
ouvre parfois la brèche, entre scènes surréalistes et atmosphères fantastiques, ou la déviance incite d'elle-même à transgresser le
réalisme. Là où d'autres passent leur vie à vouloir cerner la réalité ou à feindre de s'en détourner; Gaëtan Henrioux semble se
venger d'avoir trop vite et trop bien su la représenter: Manquait-il quelque chose à sa peinture ou manquait-il quelque chose à ce
qu'il peignait ? Une chose est sûre, c'est dans la première que se trouve désormais l'évènement. D'où cette peinture d'intervention,
écartée des premières tentations photographiques comme de toute abstraction, autrement dit des face-à-face comme de tout
« au-delà de». Son conflit permanent - et fécond-avec sa propre technicité se joue enfin sur un autre terrain, où peinture et réalité
perdent ensemble leurs normes. Graphiste de formation, Gaëtan Henrioux s'est en effet très tôt essayé à la peinture numérique,
sur palette graphique puis sur tablette tactile. Encore rare chez les peintres, cette technique, loin d'être anecdotique, a sans doute
ouvert une voie directe vers ce « quelque chose » qui selon lui manquait à ses toiles, et qui pourrait bien être leur propre abstraction.
Texte par Augustin Besnier (écrivain et critique d'art)